Pour moi, la pâte de coing, c’est un souvenir d’enfance. Ma grand-mère en fait tous les automnes et en quantité. Elle sait qu’il y a des amateurs dans la famille, conditionnés depuis leur plus tendre enfance par ses soins. Quand j’étais petite, quand octobre arrivait, je guettais le cognassier à l’entrée de la piscine où on allait tous les dimanches matins. Quand l’arbre croulait sous les fruits, je comprenais que la saison avait commencé. Je savais alors que le dimanche après-midi où mamie nous dirait, avec des étincelles dans les yeux « j’ai fait de la pâte de coing… » n’allait pas tarder à arriver. Et le jour J, qu’est-ce qu’on était heureux ! je crois que tout le monde attendait ça, pas seulement moi. Evidemment, une fois que Mamie nous avait prévenus de ce qu’il y avait dans le placard, on connaissait la suite : » il faut la laisser sécher encore quelques jours. » Mais on demandait quand même à la voir, juste pour voir. Alors on allait dans le salon – drôle d’endroit pour faire sécher de la pâte de coing ! mais dans la cuisine, il n’y avait plus de place car dans le buffet, il y avait déjà un gâteau ou une tarte en sursis jusqu’au goûter et des chocolats prêts à faire leur devoir de chocolats avec le thé ou la camomille – donc la pâte de coing était reléguée dans le salon pour couler des jours de séchage heureux. On ouvrait la porte du placard : « Oh, elle est belle ! Oh, elle a l’air bonne ! t’es sûre qu’elle est pas sèche ? « . Je ne sais quels arguments les plus gourmands que moi avançaient pour convaincre Mamie, mais à chaque fois, on arrivait quand même à avoir une petite lichette de la pâte pas encore assez sèche mais déjà tellement bonne. Et on repartait toujours avec une barquette en alu remplie de cette précieuse gourmandise » à laisser sécher quelques jours ».C’est le moment de faire une petite aparté…Maintenant que quelques années ont passées, Mamie – je m’adresse à toi car je sais que tu me lis parfois, (et oui, ma grand-mère est moderne, quand elle m’appelle, elle me dit : » salut ma grande, tu sais, j’ai lu ton blog, qu’est-ce que c’est bien ! « ), donc, chère Mamie, je dois te faire des aveux. Premièrement, on n’a jamais pu laisser sécher la pâte aussi longtemps que tu nous le conseillais (mais ça tu t’en doutais, et c’est pas ma faute, c’est Flo, alors quand il en mangeait, j’en mangeais aussi pour l’accompagner). Deuxièmement, il nous est arrivé de faire quelques infidélités à ta pâte de coing et d’en acheter un peu sous le manteau (je m’explique… vous ne le saviez peut-être pas, mais la pâte de coing est un produit de contrebande… maintenant, vous êtes dans le secret, ouvrez l’oeil…). En effet, quand on allait faire les courses au supermarché, il nous arrivait de prendre de l’essence à la station d’à côté. Le pompiste, un gentil monsieur qui habitait la campagne, avait repéré, on ne sait comment, qu’il avait à faire à une famille de gourmands. Et l’automne venu, il nous proposait en douce quelques douceurs confectionnées avec les fruits de son jardin, dont de la pâte de coing. Au début, on s’est méfié (n’aurait-il pas coupé sa pâte avec un peu de gasoil pour éliminer quelques-uns des clients qui l’enquiquinent à longueur de journées ???). Un jour, on s’est quand même laissés tenter, puis après on n’en redemandait ! Voilà, Mamie, c’est dit. J’espère que tu n’es pas fâchée ! Si ça peut te rassurer, on a toujours préféré la tienne de pâte de coing !
Cette année quand j’ai vu des coings arriver sur le marché, j’ai d’abord été surprise (à côté de la piscine où je vais désormais, il n’y a pas de cognassier pour me prévenir), puis j’ai repensé à tout ça et j’ai eu envie de faire la première pâte de coing de ma vie puisque je ne pourrai pas rentrer manger celle de ma Mamie, ni celle du pompiste.
Mais pendant la préparation, j’ai croisé des branches de romarin frais cueillies dans un jardin. » La pâte de coing au romarin, ça pourrait être sympa… » Une infidélité de plus à Mamie, me voilà déjà en train de changer la recette qu’elle vient de me donner (à contrecoeur) au téléphone…
En tout cas, l’essai s’est transformé en succès : les parfums du romarin et ceux du coing se marient à merveilles…
Pâte de coing au romarin
pulpe des coings récupérée lors de la préparation de la gelée
sucre (environ les 2/3 du poids de pulpe, j’ai mis un peu moins)
romarin (1 grosse branche pour 700 g de pulpe)
Passez les coings au moulin à légumes ou au mixer.
Versez la pulpe dans une casserole et ajoutez le sucre.
Faites cuire à feu doux en remuant pendant 5-6 minutes. (attention, ça accroche, ça éclabousse et ça brûle…)
Coupez très finement les feuilles de romarin. Ajoutez-les aux coings et poursuivez la cuisson 5 minutes.
Etalez la pâte sur une plaque garnie de papier sulfurisé.
Laissez sécher 2-3 jours (en théorie) avant de découper la pâte comme il vous plaira : en carrés, losanges, emportes-pièces de toutes sortes… Certains aiment rouler les morceaux dans le sucre en poudre, moi non.
Conservez dans une boîte hermétique, dans un endroit frais.
un très très joli billet que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire
Je suis sure que tu t’es régalée mais avoue : les pâtes de coing de ta Mamie ont un petit quelque chose de plus , l’amour d’une grand-mère !!!
Elle est belle ton histoire et elle ressemble beaucoup à la mienne.
Voilà pourquoi je ne fais pas de pâte de coing…je sais qu’elle ne sera jamais aussi bonne que celle de ma mère, qui y met de l’amour en plus.
Par contre je peux te dire que celle que tu as faite est très belle et que le romarin, c’est une super chouette idée !
Plein de bisous sucrés ainsi qu’à Mamie (si elle lit) !
Joli souvenir.
Je n’ai jamais mangé de pâte à coings. Seulement de la gelée.
Ta photo me donne vraiment envie.
Les mamies sont irremplaçables, mais la pâte de coings l’est!
La « marmelada » (pâte de coings) incontournable, au Portugal!
Pour moi aussi la pâte de coings est un souvenir d’enfance. Pourtant je n’aime pas les trucs très sucrés, mais je pourrais engloutir toute la plaque !
En plus, tu sais quoi ? Veinarde que je suis, je viens de goûter celle de Mercotte cet après-midi ;))
quel beau billet, il y a l’émotion et la recette.
Un coucou à ta cyber mamie, et bravo pour ton audace avec le romarin.
J’ai me les blogs quand ils savent se faire intimistes !
Décidemment on fait tout pareil, les figues, la gelée de coing, et la pâte de coing !! quelle bonne idée d’y mettre su romarin encore un truc pour l’année prochaine, moi j’y avais mis des épices et bien sûr pas de sucre autour, Cléa l’a goûtée mais elle doit encore sécher bien sûr ! l’histoire familiale est vraiment sympa ! moi la mienne y ressemble bp !
et aussi c’est vrai que ça gigle et éclabousse partout, je fais plusieurs fournées dans une très grande bassine comme ça je maîtrise les éclaboussures !
Ton histoire est très belle et très émouvante.
t’es trop drôle quand tu racontes, j’entend les flop flop dans la casserole, je sens le coing qui embaume et j’me brûle.
Mais cela me rappelle mes souvenirs d’enfance. Moi c’était tatie jeanine qui faisait sécher la pâte sur le haut des armoire avec interdiction d’y toucher. Il me semble qu’il fallait attendre tout l’hiver et cela me semblait très très long. QUAND JE VOIS LES COMMENTAIRES, cela me donne envoie de relier toutes ces histoires dans un petit livre qui sentirait bon la famille. Un ou une courageuse se lancerait dans l’aventure ?
c’est la madeleine de Proust que tu nous décrit si bien; moi (59ans) c’était mon père qui faisait la pâte de coing…mais aussi les bonbons…Tu racontes tres bien et tu me donnes envie de faire la même chose pour ma petite fille de 7 mois…Cela me laisse quelques années pour m’entraîner. Promis je commence demain et j’essaie ta recette au romarin